lundi 13 juillet 2009

voyage de l'émigrant



Je chante l’armée des brins d’herbe sans tête
Venus de Cracovie venus des voïvodies se poser
Comme étourneaux sur la prairie vivante de sillons
Vivre du travail qui avait là-bas goût de faim

Je gémis l’armée transparente ses champs de gris futur
Sa géographie de levers aveugles d’étable grise
Au coucher celle de soupe claire où naviguait le lard
Où sur la paillasse on écoute longtemps passer la nuit


Ma maison est le contrat du temps qui passe
Le calendrier labouré hersé ensemencé
Qui sait seulement le clocher qui dit au pain au fromage
Qui dit qu’est venue l’heure attendue d’avoir faim

Mes mots sont encore sans couleur
Endive sous terre comme un mort
Et blanche de même
Mes mots sonnent comme brouillard
Comme sonnailles de vache aux yeux vides

J’écoute le charroi le train des chemins immobiles
Où ma maison s’enfuit loin de moi-même
Mon cœur pleure et se perd
Loin de l’arbre du ruisseau du sentier

Ne pas partir était la tombe et mourir chaque jour
Je ne laisse nul abandon nulle place vide
D’ici ou d’ailleurs je suis l’orphelin des pauvretés
Je suis l’attente en route vers de prochains déserts

Me sont venus l’injustice impossible la suprême blessure
Le temps lourd du malheur
Le fardeau comme un poignard des moissons sur les épaules
Celui des pensées en deuil d’une vie attendue

Il y eut le temps d’un autre temps
D’enfance et d’espoir
Le soleil à connaître l’herbe l’oiseau les chemins parcourus
La vie éclose et chaude la parole neuve
La merveille comme un soleil d’esprit éblouissant

Enfin le labeur avait un nom
C'était un port où jeter l’ancre
Le futur plus léger où l’on arrive presque
Le labeur comme le temps dans l’horloge
La route acceptée l’étape qui attend
Dernière gare avant l’ultime fatigue

M'est venu soudain l’arrachement
Soudain tonnerre sur les blés
L’exil sans cause égaré dans un monde égaré
Des heures à marcher dans le noir des matins mécaniques
à construire la guerre comme un enfant sans cerveau

Et puis soudain et puis enfin et puis
Soudain l’évasion l'évasion
Car l’espoir saignait trop chaque jour

Puis vint le temps souterrain d’être invisible
La charrette des ailleurs pour n’y être pas
Les saisons aux crinières de chevaux d'accointances
Les champs parfumés sous le soc l’étable aux hirondelles

L’odeur noire du pin d’hiver et la souche exhumée
La glèbe ancienne défrichée grosse de pommes de terre

En retenant son souffle le sourire attendait son heure
Quand on n’est plus troupeau
Quand les mots n’ont plus peur

Me sont venues les maisons de cendre et la ruine
La liberté glorieuse
Et l
’ennemi dans sa tombe
L
e dragon du mal expiré sous le feu et les bombes
Et vengeance et cris avant l’oubli des haines

Tu attendais l’instant
Des jours à nouveau quotidiens où le travail est la route
Dans les aubes d’hiver quand libre et pauvre on a faim
Quand le cœur cherche un souffle et le pas prend patience
Quand le souffle cherche un cœur et la patience un pas
Quand l’heure est longue en mal d’une seconde encore

L’heure est longue quand s’éteignent lumière et douleur
Quand pour sa ronde s’apprête au matin un soleil
Qui t’a si peu connu

le 13 juillet 2009

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